Ma biographie

Un parcours un peu atypique

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Je suis né en 1948, aux bords de la Méditerranée, côté sud, en Égypte ; ma famille est arrivée en France dans les années 60. Je vous prie de ne pas me ranger d’emblée dans la liste des pieds noirs, car la particularité de l’Égypte est d’avoir été un pays ouvert, cosmopolite… assez spécial, sans doute pour des raisons historiques. On y trouvait en parfaite symbiose des gens originaires d’Italie, de Grèce, de Malte, de Chypre, de France, des Arméniens, des Assyro-Chaldéens, des Levantins… constituant une société un peu à part, parlant toutes les langues de la mare nostrum. Il était rare qu’une discussion ait lieu en une langue unique. Cela pouvait commencer en français et utiliser quelques mots en anglais, en italien ou en arabe pour appuyer le propos. Une simple promenade à Alexandrie ou en certains quartiers du Caire vous faisait passer d’une boulangerie grecque à une charcuterie italienne, un café truc et les odeurs vous suivaient de magasin en magasin et vous donnaient l’impression que vous n’habitez pas un pays, mais un concentré de pays, placé là, aux portes du paradis.

Chez les Frères des Écoles Chrétiennes où je me suis trouvé pour mes études, les enfants préparaient leur avenir en travaillant les langues bien entendu, et en lisant, guidés par les pères, tout aussi bien des textes arabes, qu’anglais ou français ; j’ai même fait ma maternelle dans une école italienne ! C’est dans cette atmosphère que j’ai grandi, en Égypte, dans une micro-société, parfaitement à part.

« Enfant, une seule activité m’animait du matin au soir : la lecture. »

J’avoue ne pas avoir été très exigeant. Tout texte imprimé était lu, qu’il fût en arabe, français ou anglais, avec la même gourmandise. J’ai lu Agatha Christie en arabe, de la poésie perse, Shakespeare en anglais et tous les textes classiques en français. Et j’avais de l’appétit !

Enfermé dans ma chambre avec une énorme bibliothèque constituée par le hasard des décès des amis de mes parents qui m’avaient légué leurs livres, je disposais de centaines de romans, dont certains à ne pas mettre en toutes les mains.

Un petit souvenir sur mon appétence aux lettres classiques. Un jour, curieux et désireux de renouveler mes lectures, je tombai sur une toute petite publication Larousse : le Cid de Corneille. L’épaisseur du livre me convenait, car je voulais en venir à bout en un après-midi. J’y plongeai et je me rendis compte que contrairement à tout ce que j’avais lu jusque-là, un je ne sais quoi, me bloquait ; assurément un peu de maturité. J’étais resté sur la première page : mon premier échec de lecture. Ce fut au lycée à Orléans que la pièce de théâtre fut reprise et appréciée.

« J’ai donc grandi avec mes lectures. »

On me demande assez souvent mes romans préférés et ma réponse, toujours la même, semble décevoir plus d’un.

Dans cette grande bibliothèque à ma disposition, une amie d’une arrière tante m’avait légué la collection de l’Encyclopédie Larousse Universel ; je crois celle de 1910 ; plus de 20 tomes énormes, lourds, aux belles couvertures en cuir et frappées d’or. Je prenais un des tomes, m’asseyais sur le carrelage froid et ouvrais au hasard et tombais sur une idée, une histoire et comme un petit oiseau, je passais de branche en branche, d’un mot à l’autre et je pouvais passer toute une après-midi, dans ma bulle.

Il m’arrive assez souvent aujourd’hui, de revenir aux classiques. J’ai bien du mal à tenir compagnie toute une semaine à Balzac ou à Flaubert, mais reprendre pendant une heure ou deux, un roman lu il y a cinquante ans, me permet d’aller directement à la rencontre de l’auteur. Je n’en suis pas à chercher la fin de l’histoire ou à m’inquiéter sur le sort du héros principal, mais à apprécier l’art de l’auteur, ciseleur de mots et de sentiments.

Pour ne pas faire de jaloux, je vais taire mes romanciers préférés actuels. Je peux vous dire qu’il faut prendre les héritiers de Balzac, de Zola, de Maupassant, ceux qui écrivent une langue belle, qui vous accrochent et vous mènent, comme la main de la maman, vers la félicité.

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Le bac en poche, ce fut l’heure des choix. Quelles études entreprendre ? Mes résultats scolaires étaient étales : les mêmes en lettres qu’en sciences. On me conseilla les sciences, sans doute m’avait-on dit, plus rémunératrices que l’anglais ou les lettres. Je choisis la physique. Bonne pioche, quoiqu’elle réduisit mon temps de lecture ; elle me permit cependant de rencontrer mon épouse. Quelques années après, l’agrégation en poche, l’enseignement dans le supérieur en classes préparatoires des grandes écoles, puis les grandes écoles, prirent tout mon temps et mon énergie. 

A la même époque, je fus invité à participer à l’écriture d’un livre technique à plusieurs mains. J’acceptai le défi qui fut suivi de plus de cinquante publications, des articles dans la presse scientifique, des livres de cours pour le supérieur, de conseils, de méthodologie, de vulgarisation. Mes derniers livres portaient sur des biographies et en particulier celle d’Archimède. Ce fut le tournant de ma carrière et je suis ainsi passé de biographies à des romans. La suite, vous la connaissez, sinon, vous m’auriez déjà abandonné.

Vous constatez amis lecteurs, que la lecture fut pour moi l’occasion de faire de délicieux voyages, embarqué par une idée, une image et me retrouver aux quatre coins du monde. Cette bibliothèque, tout à la fois, mon antichambre de décollage et chambre d’amis, me présentait autant de fenêtres que de compagnons pour ces voyages qui n’étaient pas évasion - je n’avais nul besoin de fuir un présent oppressant – mais construction. A aucun moment, la lecture ne fut pour moi utilitaire, mais toujours plaisir et récréation et sans en être conscient, un semi de graines pour germer et donner de belles fleurs. J’ai donc lu et beaucoup lu, naturellement, comme on respire, comme on marche, comme une activité aussi indispensable que manger ou boire. Aujourd’hui, après bien des années, s’est ajoutée la nécessité d’écrire ; aussi forte, aussi indispensable, aussi féconde que la lecture. Je me rends compte qu’elles sont autant l’une que l’autre indissociables, inépuisables, sans fin.